Le syndrome de l'imposteur

Et les 6 solutions pour s'en sortir

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« Tu avais le même niveau de responsabilité jusque-là, on a juste mis un nom dessus. Tu te mets d’avantage la pression depuis mais tu étais déjà à ce poste »

Voici un extrait d’un email qu’un ancien manager m’a envoyé à la suite d’une promotion que j’ai eue.

Ne pas avoir le titre finalement m’allait bien car il n’y avait rien à perdre ! (heu, vraiment ? Self sabotage bonjour ! 😅).

Avec du recul et un nouveau savoir, je vois maintenant comment j'expérimentais le syndrome de l’imposteur à l'époque.

Bien sûr, il est normal et même sain de douter de ses compétences et de ses acquis. Le doute permet, dans une certaine mesure, de se dépasser et de progresser. Il permet aussi d’avoir un certain niveau d’humilité. Cependant, l’anxiété constante qui accompagne le syndrome de l’imposteur peut avoir l’effet inverse, et complètement nous paralyser.

Mais c’est quoi le syndrome de l’imposteur ?

Le syndrome se manifeste par un sentiment d’illégitimité lié à la valeur que l’on perçoit de nous-même, de nous compétences et de notre travail par rapport à l’environnement dans lequel on est. Concrètement, on a l’impression de ne pas être aussi doué.e que ce que notre entourage, notre hiérarchie, veut bien nous dire et on craint d’être démasqué.e. On se sent imposteur.

Si vous avez déjà ressenti ce sentiment, ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas seul.e. Déjà il y a Emma Watson, Tom Hanks, moi 😊 et surtout entre 62 et 70 % de la population qui aurait un jour douté de sa légitimité ou de son succès.[1]

Quelles sont ses manifestations ?

  1. L’incapacité à s’attribuer sa réussite

  2. L’impression d’être surestimé.e, de tromper son entourage/sa hiérarchie ou d’être inadapté.e dans un domaine

  3. La peur d’être démasqué.e par les autres qui engendre deux peurs contradictoires :

    => Peur de l’échec : car si on échoue on peut être démasqué.e

    => Peur et/ou la culpabilité quant au succès : peur du succès car si on réussit on est exposé.e et on risque de devoir augmenter le niveau et réitérer la réussite et donc un risque plus fort de...d'échec ! Voilà ! On revient au premier point ! C’est tout un programme 😉. La culpabilité de la réussite quant à elle est liée entre autres au facteur chance que la personne qui vit le syndrome d’imposteur attribue à sa réussite ! (principe expliqué dans le paragraphe « le cycle de l’imposteur » plus bas)

Quelles sont ses origines ?

Selon les spécialistes s’étant penchés sur le sujet, les causes de ce syndrome sont multiples. Beaucoup dénoncent des attentes parentales (scolaires et professionnelles) trop élevées avec une valorisation excessive de l’intelligence avant toute autre qualité.

Les collaborateurs issus des classes moyennes sont eux aussi plus susceptibles de ne pas se sentir à leur place professionnellement. Il en est de même pour les personnes se trouvant en minorité de genre ou d’origine ethnique dans leur équipe. Ainsi, dans le secteur des hautes technologies ou les femmes sont faiblement représentées 50% des femmes souffrent fréquemment du syndrome de l’imposteur, contre seulement 39% des hommes [2]. (Coucou à ceux qui pensent que le manque de parité dans les métiers n’est pas un sujet important 😊)

Le cycle de l’imposteur ?

Le cycle de l’imposteur, théorisé par la psychologue Pauline Rose Clance, est le mécanisme de réponse psychologique que met en place la personne souffrant du syndrome de l’imposteur et qui renforce ce dernier. Je pense que les personnes qui ont déjà été confronté.e.s au syndrome peuvent à un certain degré s’identifier à ce cycle.

Pour faire face à l’anxiété engendrée par le début d’une nouvelle tâche, la personne sujette au syndrome de l’imposteur va envisager 2 stratégies à mettre en place : la procrastination suivie d’un travail frénétique, ou la sur-préparation sur le long terme.

La procrastination permettra d’éviter l’anxiété ressentie et de protéger l’estime de soi de la possibilité d’un échec, là où la préparation excessive pourra garantir le succès pour pallier un sentiment d’illégitimité.

Une fois la tâche réalisée, souvent avec succès, la personne va recevoir une certaine reconnaissance de la part des autres qui sera cependant refusée.

En effet, le processus d’attribution mis en place ne va pas permettre à la personne de se sentir responsable de son succès (attribution à un effort intense/instable en cas de préparation excessive ; attribution à la chance en cas de procrastination) mais le poussera au contraire à négliger sa performance. Ces nouveaux succès vont donc intensifier les sentiments d’imposture plutôt qu’aider la personne à construire une perception de compétence et un sentiment d’efficacité personnelle adapté.

Comment s’en sortir ?

J'aimerais partager 6 solutions mais d’abord je dois préciser un point important : « Ce syndrome n’est pas une maladie, mais ses répercussions peuvent le devenir, assure Kevin Chassangre. Certains travaillent frénétiquement pour (se) prouver leurs compétences, ce qui peut les mener au burn-out ou à la dépression. ». Si la souffrance est grande, il ne faut pas hésiter à aller consulter.

Voici les 6 points testés et approuvés qui permettent, avec le temps, de diminuer le syndrome de l’imposteur :

1. En parler : permet de réduire le sentiment de culpabilité, de ne pas se sentir isolé.e. (C’est fou le nombre de personnes très brillantes qui m’ont avoué avoir vécu où vivre le syndrome depuis que j’en parle)

2. Comprendre : permet de conscientiser les stratégies de sabotage : procrastination et sur-préparation. En effet, se voir faire offre la possibilité de choisir une autre réponse.

Comprendre permet aussi de reconnaître les situations où il y a de fortes chances de ressentir le syndrome de l’imposteur (minorité de genre ou ethnique, reconversion, réussite inattendue etc.). Ceci aide à légitimer les émotions pour mieux les accueillir.

3. Être factuel.le : permet d’effectuer un travail sur le processus d’attribution du succès et la prise de conscience de ses ressources. Une pratique intéressante est de tenir un journal de réussite qui peut prendre la forme suivante : la description de la réussite (un projet, une promotion…), les causes que vous attribuerez spontanément à ce succès qui peuvent être liées au syndrome de l’imposteur (la chance, erreur d’appréciation du management) et enfin, les causes plus objectives du succès (les heures de travail effectuées, les compétences que vous avez mises en œuvre, l’expérience que vous avez…). Pour ce dernier point n’hésitez pas aussi à vous appuyer sur les qualités que votre entourage / équipe / hiérarchie vous renvoie.

4. Développer un « growth mindset » : Le «Growth mindset » est un concept introduit par Carol Dweck qu’elle met en opposition au « Fixed mindset ». Ce dernier consiste à supposer que notre caractère, notre intelligence et notre créativité sont des données statiques, que nous ne pouvons pas changer de manière significative. Le growth mindest en revanche favorise l’apprentissage et voit l’échec non pas comme une preuve de manque d’intelligence, mais comme un tremplin les propulsant vers de nouvelles connaissances, et donc compétences. Et comme Henry Ford a dit « L’échec est une opportunité pour recommencer plus intelligemment ».

5. Ne pas se comparer mais avoir des modèles, des mentors : Adopter un processus de comparaison sociale ascendant (avec une personne que l’on considère mieux que soi sur une échelle de valeurs) positif. Au lieu de se servir de ses modèles de réussite comme preuve d’incompétence ou d’inintelligence personnelle, les prendre comme moteur et source d’inspiration.

6. Tendre vers un amour inconditionnel de soi : Devenir son propre allié.e. Prendre du temps pour soi. Découvrir ou redécouvrir ses passions. Relaxation et méditation sont des outils redoutables pour se reconnecter à soi, réduire son anxiété et élargir sa capacité à choisir des stratégies de réponse différentes face à un nouveau défi.

 Conclusion

La plupart des gens vivent des moments de doute, et c'est normal. L'important est de ne pas laisser ce doute contrôler nos actions et altérer notre image de nous-même. Avec la compréhension des mécanismes du syndrome de l’imposteur et des outils comme ceux cités plus haut, il sera possible de s’écouter plus rapidement et de modifier ses stratégies de réponse. Ainsi comme dit Young : « Les gens peuvent toujours avoir un moment d'imposteur, mais pas une vie d'imposteur ». 

 

[1] Clance, 1985 ; Gravois, 2007 ; Matthews & Gibbs, 1985

[2] The truth about imposter syndrome among tech workers, 2018